C’est quand je suis absente qu’il se passe des événements auxquels j’adorerais pourtant participer. Mercredi se joue à l’Institut français « Si tu sors, je sors », une pièce de théâtre de Gustave Akakpo et Marc Agbedjidji. Cette pièce parle de pagnes (elle doit son titre au nom d’un pagne wax) et des Nanas Benz. Ces riches commerçantes togolaises qui avaient fait fortune en revendant du tissu, notamment du wax.
Pourquoi Nana Benz?
En mina (ou guin), langue parlée au Sud-Togo, dont la plupart des revendeuses de tissu sont originaires, « nana » est dérivé de na qui signifie « mère » ou « grand-mère ». C’est une marque de respect à leur égard qui s’explique par leur position sociale.
Benz vient du fait que nombre d’être elles possédaient des Mercedes Benz, affichant ainsi des signes ostentatoires de richesse.
Les premières revendeuses de tissu, pionnières de la profession, ont commencé dans les années 1940-1950 en important des tissus du Ghana puis en proposant la commercialisation de leurs modèles à des maisons de négoce installées au Togo telles que les Britanniques GB Ollivant, UAC ou John Holt, ou les Françaises SGGG, CFAO ou SCOA.
Eunice Adabunu, née en 1919 est une des pionnières. Le magazine américain Ebony lui a d’ailleurs consacré un article en 1963. Alors qu’elle était issue d’un milieu pauvre, elle a fait fortune dans le commerce de pagne et devint un des membres influents et un des bras financiers du parti nationaliste, le Comité de l’unité togolaise, de Sylvanus Olympio.
Patience Sanvy quant à elle, débuta à l’âge de 8 ans en vendant des cigarettes dans la rue avant de devenir le « Market Woman Phenomenon ». Bien d’autres femmes firent fortune dans le commerce de pagnes dont les femmes d’Afrique de l’Ouest raffolent et que de nombreuses femmes de part le monde s’arrachent aujourd’hui pour son côté ethnic chic et ses couleurs.
Si tu sors, je sors. Menace ou prévention?
Par ce pagne la femme prévient son époux qu’elle adoptera le même comportement que lui.. attention il y a de l’eau dans le gaz!
À travers les noms des pagnes, les femmes qui les portent ont passé des messages à leur entourage sur leur situation en affichant la position sociale de leur mari ou leur situation familiale. Le choix du pagne n’était donc pas seulement guidé par l’esthétique mais par l’envie de partager un sentiment.
« Le lit de mon mari », permettant de montrer une stabilité sans faille, « l’œil de ma rivale » permettant de menacer toute rivale tapie dans l’ombre.
Aujourd’hui, le pagne sert encore, mais dans une bien moindre mesure, de support pour communiquer sur un décès, son attachement à un homme politique ou encore à une situation politique qui a marqué la population. Ainsi le pagne « le balai de Gueï » évoque le coup d’État qui s’est passé en Côte d’Ivoire en 1999 quand le Président Henri Konan Bedié a été renversé par le Général Gueï Robert.
C’est une pièce qui me fait donc très envie par la richesse des sources dont elle s’inspire et l’histoire qu’elle permet de découvrir en abordant le pagne. De plus, j’aurai aimé découvrir le travail de Gustave Akakpo qui est auteur d’une quinzaine de pièces de théâtre. Une prochaine fois certainement puisque cette pièce a connu de nombreuses représentations. En 2016 elle a été présentée au festival d’Avignon.
Quand?
Mercredi 29 mars à l’Institut Français d’Abidjan
En savoir plus?
-Les Nana Benz de Lomé Mutations d’une bourgeoisie compradore, entre heur et décadence Comi Toulabor
-Heritage-wax.com