Débat houleux à table entre ma collègue humaniste qui se spécialise en droit des étrangers et une autre collègue sur le sentiment d’envahissement que peuvent ressentir les français face à cette migration colossale à laquelle la France serait confrontée. Ses propos sont radicaux comme toujours. Et elle l’assume ce qui est bien car elle soutient sa position avec une argumentation -parfois fragile, mais au moins elle raisonne, elle n’est pas du genre à recracher des propos populistes entendus çà et là.
On parle souvent des migrants, qui hélas ont mauvaise presse en ce moment. Boucs-émissaires d’une société qui ne sait plus à qui en vouloir, les désinformés les accusent d’accroître le taux de chômage en volant les emplois des français, d’accroître le taux de délinquance, de créer un climat d’insécurité et même de contribuer au phénomène de radicalisation religieuse. Soit.
La peste s’abat sur la France et elle est incarnée dans chaque étranger qui vient sur ce territoire peu importe ce qu’il vient réellement y faire puisqu’il est d’emblée prisonnier de certains préjugés nauséabonds et réducteurs. Heureusement, ceux qui voient dans celui qui ne leur ressemble pas un migrant nocif qui vient vampiriser une économie qui se porte déjà mal en fraudant les aides sociales et dérobant les emplois sont une minorité.
Toutefois, quand j’ai entendu qu’il fallait fermer les frontières de la France à toute forme de migration pour que le pays aille mieux j’ai été stupéfaite.
C’est quoi un migrant?
De nombreux États Africains accueillent une immigration étrangère et le salarié porte fièrement le nom d’expat (ça fait plus chic qu’expatrier). Quand celui d’origine étrangère qui part s’installer en Europe est affublé du nom de migrant, lourd, dépréciatif presque culpabilisant grâce aux nombreux préjugés qui ont été véhiculés par ce mot.
Mais quelle est la différence au juste?
Le Larousse définit l’expatrié comme le salarié qui exerce son activité dans un pays autre que le sien. D’un point de vue juridique le salarié expatrié est le salarié qui exerce une activité professionnelle pour le compte d’une entreprise française ou autre, à l’étranger, pour une durée limitée.
Pour la Convention des Nations Unies sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles, les travailleurs migrants sont « les personnes qui vont exercer, exercent ou ont exercé une activité rémunérée dans un Etat dont elles ne sont pas ressortissantes ».
Les premiers seraient donc des personnes qui jouissent déjà d’un contrat de travail et qui vont exercer leur activité professionnelle dans un autre pays tandis que les seconds partent en dehors de toute relation contractuelle dans un autre pays afin de travailler, ce qui n’est pas en soi moins noble.
Alors pourquoi ce mot revêt aujourd’hui une consonance parfois péjorative?
Par ignorance tout simplement car autant l’expatrié que le migrant est créateur de richesse. Il participe non seulement à l’économie mais créer aussi des sociétés dans lesquelles sont employés des nationaux.
Il faut oublier le portrait du migrant rachitique, pauvre et malfaisant. Le migrant n’est pas un réfugié politique pauvre à l’article de la mort. Migrer a un coût élevé. Il faut financer le voyage, les documents administratifs et si cela n’est pas envisagé de façon légale il faut payer des « passeurs ». Seuls 34% des migrants quittent un pays en voie de développement pour aller vers un pays développé. Non, il n’y a donc pas un complot visant à envahir l’Europe.
En 2015 le nombre de demandes d’asile reçues par l’Union Européenne équivalait à 0,2% de la population de l’Union Européenne. La personne qui migre en Europe n’est pas un parasite, elle souhaite s’intégrer dans le pays dans lequel elle s’installe en participant à la vie active. Pourtant lorsqu’il s’agit de ressortissants de pays pauvres les voyages vers l’Europe sont soumis à des conditions drastiques.
Or, les personnes migrantes qui arrivent sont le plus souvent jeunes et qualifiées et ont un diplôme de l’enseignement supérieur. Par contre, l’absence d’équivalence représente un problème qui leur interdit parfois d’exercer.
En Afrique, les entreprises tentent désormais de limiter le recours aux qui sont considérés comme trop chers (un contrat d’expatrié coute deux à trois fois plus cher qu’un contrat local). Ainsi, elles favorisent l’emploi de cadres locaux dont les compétences ne cessent d’augmenter.
Alors, halte aux préjugés. Sachons nous valoriser et regarder l’autre tel qu’il est en mettant de côté des idées préconçues qui n’aident pas à la construction d’une société où il fait bon vivre et où tous œuvrons à son évolution.