L’inédit, quand Mabanckou donne des cours de littérature noire au Collège de France

Le fait qu’ Alain Mabanckou occupe la chaire de création artistique au Collège de France pour l’année 2015/2016 est inédit. Tout d’abord car c’est la première fois qu’un écrivain occupe cette chaire que bien des créateurs dans des domaines artistiques très variés ont occupée (arts plastique, musique, architecture…) depuis 2005. Ensuite parce que c’est un message fort de reconnaissance de la littérature francophone africaine à laquelle on donne l’occasion de se faire connaitre et de rejaillir sur quiconque souhaite s’en imprégner.  Le 17 mars 2016 Alain Mabanckou prononcera sa leçon inaugurale qu’il a intitulée : « lettres noires : des ténèbres à la lumière ». Et c’est exactement ainsi que je vais vivre ses cours qui vont exhumer des auteurs et des textes que j’ignore et mettre en lumière la richesse d’une littérature à laquelle je me suis intéressée seule.

J’ai découvert Alain Mabanckou alors que je farfouillais dans les affaires de ma soeur. Je suis tombée ce jour-là sur « African psycho » au format de poche dont la couverture mais aussi le titre étaient intrigants. La revue qu’elle m’en a fait, a attisé ma curiosité et m’a immédiatement donné envie de le lire. Quand je suis allée ensuite à la Fnac, j’ai vu que cet auteur qui m’était absolument inconnu avait pourtant écrit plusieurs ouvrages publiés en France dont la quatrième de couverture de bon nombre aiguisait mon envie de découverte. Au lieu d’acheter l’ouvrage pour lequel j’avais fait le déplacement, je suis repartie avec un autre sous le bras dont le titre évoquait les mémoires d’un porc-épic, ce qui était pour le moins intrigant! À peine avais-je commencé à tourner les pages que je ne voulais plus le refermer sans avoir terminé de le lire. Alain Mabanckou a cette qualité d’écriture agréable à lire, drôle et chaleureuse qui envoûte. Je me suis donc par la suite précipitée sur d’autres ouvrages dont il est l’auteur. Puis j’ai voulu connaitre le Jip’s, café situé aux Halles à Paris, où le Fessologue aime deviser en compagnie de ses amis dans Black Bazar, la poésie de Pointe-Noire qu’il évoque dans les Lumières de Pointe-Noire et la gaieté des rues dont il parle dans Verres Cassées. Les pages de ses livres ont flatté mon imaginaire et une nouvelle soif de découverte m’a animée.

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Les livres nous font voyager grâce à de nombreux auteurs de la littérature africaine francophone, j’ai eu le sentiment d’aller à la rencontre de nouvelles cultures pas si éloignées de la mienne mais dont certaines différences m’ont enrichi. L’Afrique, ce vaste continent qui est matrice universelle a été mis d’une nouvelle façon à ma portée par la lecture, moi qui n’avais pas l’occasion de pouvoir me déplacer et découvrir ses pays, moi qui méprisais malgré moi son histoire et ses usages multicolores car ils ne m’avaient pas été enseignés. Je ne crois pas exagérer en disant que lorsque je suis arrivée en France avec un baccalauréat littéraire obtenu dans un lycée français, la littérature francophone africaine m’était presque étrangère. Bien-sûr je connaissais quelques auteurs de la négritude qui m’avaient été présentés de façon lapidaire à mon goût, j’avais lu un ouvrage d’Hampaté Bâ, un autre de Léopold Sédar Senghor et enfin un autre Ahmadou Kourouma. Les femmes dans ce domaine m’apparaissaient comme d’illustres absentes ainsi quand je déambulais un jour dans les allées d’une librairie et que je passais devant la section réunissant des auteurs venant d’Afrique subsaharienne je me suis sentie vide. Les livres s’alignaient sur des étagères pleines et je compris alors que j’avais été dotée de connaissances limitées, obsolètes qu’il allait falloir que je complète si je voulais connaitre mon Afrique.

J’ai mis alors un point d’honneur à faire des recherches sur la littérature noire et j’ai à mon grand plaisir découvert des auteurs extraordinaires. L’auteur comme un ethnologue intègre dans ses ouvrages des informations qui fixent des données sur la société dans laquelle il évolue, il effectue un travail qui nous permet de consigner une part de notre histoire et c’est grâce à cela que j’ai pu m’imprégner progressivement de mon histoire. Il est impossible de lire « une si longue lettre » de Mariama Bâ sans être émue par la situation des épouses qu’elle décrit. Et cette condition difficile mais résignée de la femme qu’elle dénonce est différente de celle qu’on rencontre dans l’ouvrage, plus récent, de Chimamanda Ngozi Adichi. Il y a dans ces deux ouvrages la présentation de cultures différentes, de faits générateurs qui ont leur propre origine et qui expliquent les conséquences qui ressurgissent sur la société, ici sur les femmes notamment.  De Chinua Achebe à Aké Loba, du Nigéria à la Côte d’Ivoire on découvre des réalités différentes mues par les questions géopolitiques qui agitent l’environnement de l’auteur au moment où il écrit.

Alain Mabanckou va assurément effectuer un travail de transmission lors de ses cours au Collège de France en abordant une thématique qui va de la littérature coloniale à la littérature “négro-africaine”. Une opportunité donc de connaitre  la littérature francophone d’Afrique noire mais aussi  de pouvoir élargir ses connaissances en découvrant la littérature caribéenne et afro-américaine qui ne se résume pas aux best-sellers que nous avons l’habitude de lire -ou pas- parce qu’ils sont mis-en-avant par l’industrie du livre. Cours inédit donc par le fait que c’est la première fois qu’il sera donné mais aussi inédit par son contenu qui va permettre à plus d’un de se retrouver avec sa culture.


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