Afro-féminisme ?

100px-Feminism_symbol.svgLe féminisme semble être devenu tendance depuis que Beyoncé et quelques autres célébrités revendiquent être féministes en brandissant et clamant ce mot dans des clips hot. Fini donc l’image que l’on se faisait de la femme, peu avantagée par la nature, frustrée et mal dans sa peau qui voulait justement celle des hommes pour se sentir un peu mieux. Le féminisme a l’air de sonner même un peu rock, un peu rebelle. Et plus j’entends ce mot, plus je peine à voir des progrès dans l’amélioration de la condition de la femme. Parce que justement être féministe ce n’est pas un mot, c’est un comportement. C’est une lutte pour des droits et cela demande alors d’insuffler un peu de soi dans ce mouvement, à son échelle, afin de voir un changement.

Je me souviens de la fois où j’ai annoncé à un ami que nous ne pourrions nous voir un samedi après-midi car je me rendais à une manifestation pour le droit de la femme à disposer de son corps. C’était en 2014 et il s’agissait d’une marche contre les restrictions au droit d’avortement en Espagne. Cet ami était interloqué car à son avis une femme vivant en France, d’origine africaine et catholique de surcroit n’avait pas sa place à cette manifestation. Toutefois, je trouvais que mes pas devaient accompagner ceux des autres ce jour-là, femmes comme hommes, car ce sujet me concernait.

Originaire d’un pays où l’avortement est interdit et pénalement réprimé, le droit à l’avortement est un sujet qui est très sérieux pour moi. D’une part parce que interdire l’avortement est une chose mais ne pas permettre aux femmes d’accéder dans les meilleures conditions à des moyens de contraception est une autre. Et quand le travail de prévention des grossesses non désirées n’est pas effectué alors les avortements clandestins fleurissent amenant avec eux leur lot de conséquences dévastatrices pour les femmes (avortements à répétition, stérilité, septicémies..).

J’avais donc une raison de battre le pavé pour ces femmes espagnoles comme j’aurais pu le battre pour n’importe quelles autres femmes : par solidarité et engagement. 

J’ai grandi dans un monde où les références féministes étaient liées à la lutte des Afro américaines pour acquérir des droits niés aux gens de couleurs, et des droits en tant que femme. Angela Davis et son afro était un symbole qui devait me parler, et pourtant je me sentais éloignée d’elle. J’ai beaucoup entendu parler de mai 68, des soutiens-gorge que l’on brûlait, de la revendication des femmes du pouvoir disposer de leur corps et j’ai trouvé ça fort. Mais encore, l’impact de ces actions ne se ressentait pas sous nos tropiques. Je me suis cependant sentie concernée car toute avancée en matière de droit des femmes, peu importe le continent sur lequel elle se produit, a un impact positif de façon général. Mais dans mon quotidien, dans la vie des femmes que je voyais graviter autour de moi, je n’en voyais pas l’impact.

Je me suis alors rappelée de la phrase clef d’Angela Davis alors que le Black féminism prenait de l’ampleur et par laquelle elle rappelait sa spécificité et pourquoi il était différent du féminisme défendu par les femmes américaines blanches : « la femme noire demande une nouvelle gamme de définitions de la femme, elle demande à être reconnue comme une citoyenne… » A cette époque, les femmes vivaient une double oppression : celle à cause de leur couleur et aussi celle a cause de leur sexe.

Pour trouver des modèles de femmes noires, je me suis plongée dans l’histoire africaine. Une histoire dont on ne nous parle pas quand nous faisons nos études dans des lycées français privés et qui, de ce fait, nous ôte, je le crois profondément, la chance de nous construire une identité qui nous est propre.

De fait, beaucoup ignorent que l’Afrique compte de grandes figures de femmes fortes qui ont lutté et bousculé les choses afin de mettre à mal le patriarcalisme.

Kimpa Vita dite la jeanne d’Arc congolaise (fin du 17e siècle) ou encore les amazones du Dahomey qui constituaient un régiment militaire entièrement féminin (du 17e siècle au 19e siècle) sont autant de figures qui ont conduis des armées et se sont battues pour leur peuple.

L’oppression des femmes est très souvent véhiculée par une déformation de la culture qui sert de prétexte pour ériger un système au seul bénéfice de l’homme. Je citerai ici par exemple l’excision, l’infibulation ou encore le mariage de très jeunes filles à peine pubère. Or, de nombreuses sociétés matriarcales à travers l’Afrique, ont accordés à la femme une place de choix qui lui permettait d’agir librement et de prendre des décisions. Pour l’anecdote, jadis dans le matriarcat Makhuwa (peuple bantou du Mozambique), le mari quittait sa famille pour s’installer chez la femme. En cas de stérilité ou s’il travaillait mal il risquait la répudiation.

Je m’étonne toujours quand des personnes avec qui je discute me rétorquent que le féminisme est un mouvement importé d’ailleurs et qui ne correspond pas à nos valeurs africaines. Je suis stupéfaite quand on m’affirme que l’égalité des hommes et des femmes est une utopie et que d’ailleurs pourquoi voudraient-elles s’émanciper ?

De nombreuses sociétés en Afrique attachent une grande vertu à la femme muette et soumise qui obéît servilement. C’est nier la puissance des grandes figures féministes que nous avons eu. Féministe, comme nous disons aujourd’hui, mais à l’époque ces femmes luttaient pour un idéal qui n’avait pas d’étiquette. Et cela permettait certainement de mieux se faire écouter car être féministe sonne aujourd’hui souvent comme un mot désagréable. Un adjectif répugnant dont on affuble des troubles fêtes de sexe féminin qui réclament. Réclament trop et veulent se hisser au même niveau que les hommes. 

Des auteures au 20e siècle on prit la parole pour dénoncer la situation précaire des femmes en Afrique. Le poids de la tradition, comment elle enchaine et condamne toute aspiration à l’indépendance de femme dont l’existence n’est considérée que sous le joug de l’homme. Je citerai ici Mariama Bâ, Awa Thiam mais aussi Ken Bugul qui choque par le ton employé, par sa liberté en tant que femme musulmane qui aborde ouvertement son expérience en tant que femme pansexuelle. (Qui ne choisit pas, qui se laisse porter par l’amour sans prêter attention au sexe de l’autre). 

Le féminisme est en Afrique un sujet très délicat. Je crois que ce mot est d’ailleurs doté du pouvoir de faire disparaître un homme à peine est-il prononcé. Pour certains hommes qui acceptent de parler des droits de la femme, le féminisme est dépassé car que pourrait vouloir de plus la gent féminine. Elle peut travailler, voter, conduire enfin nous ne sommes pas en Arabie Saoudite… Certes, mais il y encore tellement de points à améliorer… Pour d’autres le féminisme est un mot menaçant venu de l’Europe qui n’a que pour effet d’investir en la femme des envies de rivaliser avec l’homme et de le dominer. Un mot dangereux donc.

Pourtant de nombreux hommes sont d’accord sur le point qu’il y a des avancées à faire en matière de droits de la femme. L’accès au travail des femmes et la possibilité d’être rémunérée de façon équitable est un bénéfice pour la famille. Tout progrès qui puisse être fait dans les conditions de vie de la femme aura un effet bénéfique sur la société.

Les mouvements féminins en Afrique peuvent être qualifiés d’assez récents quand on considère que leurs structures et leur organisation n’ont vu le jour qu’après l’indépendance. Ce que l’on qualifie globalement d’afro féminisme n’est plus un sujet tabou de nos jours même s’il est désagréable pour certains parce que la médiatisation qui est faite autour des femmes qui portent ce mouvement s’est accrue.

Des femmes telles que Abena BUSIA, professeur et Présidente d’Etudes féministes et de Genre de l’Université de Rutgers (New-Jersey) ou Minna Selami, écrivaine féministe panafricaine, présentée par le magazine Elle comme l’une des 100 femmes les plus influente au monde paraissent souvent dans les médias. Ce sont des exemples pour toute une génération de femmes qu’elles aient baissé les bras, qu’elles soient en train de se relever ou qu’elles affrontent la vie avec détermination.

Chimamanda N’gozie Adichie est la féministe la plus connue à l’heure actuelle et définissant le féministe comme « une personne qui croit en l’égalité sociale, politique et économique des sexes. Ecrivaine nigériane, son succès peut s’expliquer par son authenticité. Elle est Nappy (contraction de Natural and Happy) et aime s’habiller en wax. Chimamanda est l’exemple de la femme africaine bien dans sa peau qui s’assume et n’a rien à prouver.

Cette femme me bouleverse car son action a dépassé les limites d’un féminisme que l’on voudrait nécessairement qualifié d’afro féminisme. Son message à su s’inscrire dans l’universalité. Elle parle à toutes les femmes. Aux femmes africaines principalement en rappelant les spécificités des problèmes que nous avons à affronter à cause du poids des traditions et de certaines mentalités, et ce même lorsqu’on est de la diaspora. Et aux autres femmes partout ailleurs qui rencontrent des difficultés. L’humanité est ancrée dans ses œuvres dans lesquelles elle véhicule un message de paix, de tolérance et souligne la capacité de la résilience de la femme.

L’Afro féminisme c’est un mouvement qui désormais dépasse les différences et s’inspire de la richesse de notre histoire et vise l’épanouissement de la femme.

Pour finir je pense que le premier acte féministe que pose une femme est d’être indépendante. Afin de ne pas avoir à dépendre d’un homme et de pouvoir s’affirmer librement. Le féminisme je l’ai connu très tôt sans le savoir grâce à mon père qui m’a appris à ne jamais rien attendre d’un homme pour gagner ma liberté de parole comme d’action.

 


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