Les hashtags #metoo et #balancetonporc ont fleuris sur la toile ces derniers jours à la suite de la révélation de l’affaire Weinstein et dans le but de dénoncer le harcèlement sexuel subi par les femmes. Les langues se sont déliées et un florilège de témoignages se sont étalés sous nos yeux ébahis, enfin… pas tant que ça. Je n’ai a aucun moment été surprise. Juste désolée. le harcèlement notamment sexuel, j’ai appris à vivre avec et je me suis convaincue qu’après ce n’était pas si grave.
Je crois que je me suis, hélas, habituée à ce sentiment d’insécurité que créer le harcèlement sexuel. Et que plutôt que de résister, j’ai préféré me résigner.
Comme beaucoup, je me suis sentie cernée car le harcèlement sexuel s’est banalisé et est devenu pour certains -qui comprennent mal les choses certes- un jeu de « séduction ».
De mon voisin du rez-de-chaussée qui m’attend chaque matin pour me dire bonjour en essayant de m’embrasser sur la bouche, malgré mes protestations, en passant par mon voisin de palier qui a sonné chez moi et une fois la porte ouverte s’est glissé dans mon appartement pour me proposer de prendre une douche à deux pour économiser l’eau de la planète.
Les exemples sont nombreux. Je pourrais presque les compiler dans un ouvrage. Je sais que de nombreuses femmes ont déjà subi des cas similaires et se sont senties atteintes dans leur dignité.
Je me souviens d’un employé de maison qui m’envoyait des messages étranges et suggestifs quand j’étais au travail et me lançait des regards de braise quand je rentrais le soir… Je priai donc que la CIE soit clémente et que le courant ne se coupe pas quand j’étais dans une pièce en sa présence. Une amie m’avait conseillé de le remettre à sa place. Chose faite, il s’est offusqué, vexé puis est revenu à la charge quelques temps après. D’ailleurs mes voisins cités plus haut ont adoptés la même stratégie : on ne lâche pas sa proie. On joue la victime, on nie, on laisse passer le temps puis, on revient à la charge.
Au travail, j’ai connu le patron qui met une main aux fesses pour dire bonjour et que tu pries de ne pas croiser dans les couloirs.
À la fin je me suis dit que c’était normal. Je me suis dit que j’avais la tête parfaite de la victime et je me suis dit qu’il fallait que je revois mon attitude, ça ne pouvait être que de ma faute.
Aussi loin que je me souvienne, dès l’âge de 12 ans j’ai été confronté à cela. Alors que je portais une robe d’été mettant en valeur un corps d’enfant aux formes peu apparentes, un homme m’a sifflé et m’a dit « joli petit cul ». J’étais mortifiée d’autant que c’est un homme que je croisais quotidiennement car il travaillait en bas de chez mes grands-parents.
Je me suis sentie comme une proie, je me suis demandée si c’était moi qui avais attiré cela. J’avais peut-être été trop souriante… je me suis demandée si je l’avais provoqué. Et à partir de ce jour-là j’ai décidé de baisser les yeux quand je croise un homme dans la rue pour ne pas croiser son regard. Pour ne pas qu’il lise une invitation imaginaire à m’aborder dans mes yeux. Un encouragement à me parler de ma tenue, de mon corps alors que je ne lui ai rien demandé.
En fait j’ai changé. Les victimes changent tandis que ceux qui harcèlent ne se remettent pas en question.
Du harcèlement, on en rit.
On ne harcèle pas on badine, on drague.
On ne siffle pas, on exprime mélodieusement son adhésion à une mini jupe qui nous fait tourner la tête.
On ne met pas une main aux fesses, non on tâte la volupté faite chair, on la flatte.
Ça fait rire de voir une femme hors d’elle à cause de propos déplacés, d’attouchements dégoûtants, de regards salaces. On ne condamne pas pour des regards évidemment. Ils sont pourtant la principale raison pour laquelle je ne porte plus ni talons, ni mini-jupe, ni décolleté quand je prend le métro.
Trop de mains sous la jupe avec le regard complice des passagers muets qui n’osent pas dénoncer le coupable. De mains sur la cuisse me transformant en zinc ou en accoudoir. D’yeux perdus entre mes seins pourtant pas si découverts.
En fait même si tous ces événements ne se déroulent pas dans la même journée, ça rend malade.
#meeto, ce hashtag me fait plaisir. Les femmes dénoncent et permettent à certaines de sortir d’une position de culpabilité qui les empêchait de parler. Ce n’est pas normal et nous ne devrions pas accepter cela. Pourtant, à chaque fois qu’on parle de ces situations elles raisonnent davantage comme des anecdotes que comme des faits graves.
Il faut que les choses changent!
Que ce soit au travail, dans la rue, dans les transports ou chez soi, parfois il est difficile de se sentir en sécurité.
Il faut que la honte change de camp et que ces hommes et ces femmes (car j’ai lu des témoignages masculins d’hommes harcelés) qui se livrent à de tels actes comprennent que derrière chaque victime il y a une justice qui n’attend qu’eux pour leur faire rentrer à coup de condamnations que leur attitude est néfaste.
Il faut que la société arrête toute complaisance avec le harcèlement. Plus d’omerta mais une condamnation unanime de ces actes. Il en va pour l’avenir de nos filles et de nos fils.
Une fois j’ai été poursuivie dans ma rue par un groupe de gamins à peine âgés de treize ans mais bien décidés à me « faire l’amour » (selon leurs termes). Mes protestations les faisaient rire. Mes insultes encore plus et mes conseils leurs passaient au-dessus de la tête. Il faisait nuit, je voulais rentrer chez moi et j’appréhendais d’entrer dans le hall de mon immeuble de peur qu’ils me suivent jusqu’à mon appartement. Une fois entrée, j’ai couru dans l’ascenseur, j’ai appuyé à le numéro d’un étage auquel je n’habitais pas et je les entendu se ruer dans les escaliers pour m’attendre sur mon palier. J’habitais en fait à l’étage du dessous et suis rentrée chez moi saine et sauve.
C’était des gamins. Pour eux c’était un jeu et ils étaient manifestement prêts à aller très loin. Mais comment ont-ils pu croire que c’est amusant de s’imposer de la sorte dans la vie d’une personne? De tenir des propos déplacés et dégradants?
Parlez à vos enfants, éduquez-les afin qu’ils sachent où se situent le bien et le mal et quelles limites il ne faut pas franchir.
Il n’y a rien de pire que de minimiser des comportements graves et humiliants pour une catégorie de la population.
Pour que vos filles/fils n’acceptent pas d’être des victimes silencieuses et osent réagir quand elles/ils sont faces à ces situations : parlez!
Pour qu’ils ne s’arrogent pas des droits sur le corps des autres qu’ils n’ont pas : parlez!
Bravo… Tout est dit !