Un don, Toni Morrison

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Un don est un roman où des voix se succèdent et s’entrecroisent au fil des pages et font écho à la même émotion. Toni Morrison dresse avec intensité dans ce livre, le portrait de plusieurs esclaves qui évoluent dans une Amérique au XVIIe siècle, que l’on appelle encore le Nouveau monde et qui cristallise de nombreux espoirs de liberté et délivrance. 

Les personnages gravitent tous autour d’un autre: Jacob Vaark, un homme libre, un commerçant qui exploite une ferme et essaie de faire fortune en travaillant de ses mains et sans exploiter abusivement celles des autres.  Sans tomber dans cet échange qu’il méprise au plus haut point : la vente d’esclaves. Il est ici question de servitude. Tous ceux qui entourent Jacob Vaark excepté sa femme, qui a quitté une existence miséreuse et sordide en Angleterre pour le rejoindre, sont des esclaves. Des Noirs, mais aussi des blancs et une Amérindienne qui se côtoient sans trop interagir les uns avec les autres et qui ont soif de liberté. Le destin les a certes réunis dans cette ferme, mais chacun a son histoire, lourde, douloureuse et stigmatisante. Et tous se trouvent désemparés lorsqu’il décède. 

Florens, jeune esclave, acquise comme paiement d’une dette que son maître avait contracté envers Vaark. Anéantie par le souvenir de sa mère suppliant ce dernier de la prendre à sa place et hantée par son esprit qui tente de lui expliquer son geste. Lina, esclave amérindienne discrète achetée à des presbytériens pressés de s’en débarrasser, survivante d’une tribu dévastée par une épidémie. Sorrow, tout aussi effacée, qui a connu la traumatisante traversée de la Méditerranée dans les cales d’un négrier avant qu’il ne fasse naufrage. Et enfin Willard et Scully, deux esclaves blancs qui désespèrent de pouvoir payer cette dette héritée de leurs parents et qui les maintiennent en esclavage. 

Parfois, le temps semble si long dans cette existence solitaire qu’ils mènent au sein de la ferme qu’il semble s’être arrêté. Ils sont coupés de tout, repliés sur eux-même, en autarcie. L’histoire vogue de drame en drame et si le cycle de la vie se poursuit, l’ambiance n’est que plus délétère.  Les naissances apportent des bonheurs auxquels l’ange de la mort met un terme empêchant les Vaark de se projeter dans l’avenir car ils construisent oui, mais n’ont aucun héritier. Pas même l’amour donné avec abnégation n’arrive à libérer l’amante qui se retrouve rejetée et incomprise. Il semble dans cet ouvrage que l’on soit toujours esclave de quelque chose.

Que ce soit de ses propres obsessions tel Vaark qui rêve de richesse au point de délaisser son épouse ou encore de son amour telle Florens qui se donne au point de s’oublier. Les exemples ne manquent pas dans ce roman qui ne m’a pas été particulièrement agréable à lire, mais dont la lecture m’a enrichie et de nombreux passages m’ont donné à réfléchir.  Je l’ai tout de même apprécié pour ce qu’il a animé en moi, pour ce qu’il a réveillé et que je ne suis pas prête à oublier.

« Recevoir le pouvoir de dominer autrui est chose difficile; s’emparer de force de ce pouvoir est chose erronée; donner ce pouvoir sur soi-même à autrui est chose mauvaise » Toni Morrison

Peut-être qu’une des choses à retenir de ces phrases est qu’il est encore meilleur de chercher à se dominer soi-même, dompter ses passions, maitriser son coeur que de chercher à s’offrir l’autre. 


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