Est ce qu’aimer doit être de se donner corps et âme en toute abnégation, en tirant un trait sur de grands principes qui fondent notre personnalité? Est ce que par amour de l’autre il faille qu’on arrête de s’accrocher à ses convictions? Est ce que l’on doit par aspiration à plus d’entente s’oublier davantage pour mieux exister aux côtés de l’autre?
Mettre de côté sa personnalité est aussi douloureux que mettre de côté son amour. C’est un acte dangereux qui s’apparente à nier son essence pour apparaître sous le jour de quelqu’un que nous ne sommes pas. Et la peur de la froideur, de la distance dans les conflits ne doit pas encourager le désir de muer.
L’amour parfois nous échappe totalement. Il se décuple de manière stupéfiante nous laissant esclave de son l’autre, de son moindre soupir. Ses clignements d’yeux sont autant d’éclipses dans nos vies et disparaître sous son regard semble être comme perdre la vie.
Faut-il que nous aimions aussi intensément? La présence de l’autre est une bénédiction, chaque baiser est une explosion, chaque caresse est une grâce, chaque mot est une prière. Faut-il qu’on aime aussi intensément? L’observer à la dérobée pendant son sommeil et se dire que c’est un des plus beaux spectacles que nous aillons pu voir. Marquer dans sa mémoire chaque trait de son visage pour se le reconstituer à chaque instant. Prier pour l’autre avant soit, vivre dans une contemplation qui frise l’obsession et se dire dans une angoisse que probablement jamais il ne sera deviné que notre sourire dépend du sien, notre bonheur du sien, notre existence de la sienne car sans lui elle est dépourvue d’intérêt. Jouer à l’indifférence pour garder ce secret, être distant pour ne pas trop en dévoiler, se douter que l’on étouffe l’autre avec cet excès d’affection. Mais quoi? Parfois on se surprend à aimer autant. A sa vue nos doigts ne m’appartiennent plus, notre cœur ne répond plus. Tout s’entremêle et tout s’emballe. Regretter de n’être sa mère pour jouir de son amour indéfectible, sa sœur pour bénéficier de son aimable tendresse, son frère pour bénéficier de sa protection. Regretter de n’être son sang pour ne jamais quitter son corps, son souffle pour lui être vital.
Pauvre cœur d’artichaut qui se retrouve prisonnier de la marmite. Se perdre dans de tels élans amoureux est courir péril.
Pourquoi faut-il que l’on aime aussi intensément? A vrai dire il me semble que cette pure folie revêt les symptômes de la passion. Aimer l’autre ce n’est pas le changer c’est l’accepter dans toute sa complexité en l’aidant à devenir meilleur. Aimer l’autre ce n’est pas changer son soi, c’est s’abandonner sans craintes de jugements et accepter son aide à devenir meilleur.