La routine a pénétré le quotidien et s’est distillée doucement au fil des jours avant de s’amplifier progressivement. J’étais pétrie de la certitude que l’on s’ignorerait mutuellement elle et moi et pourtant, elle a jeté son dévolu sur ma personne. Je l’ai repoussée avec vigueur, enfin, je crois. Je sais qu’au début je refusais de lui céder. Je lui résistais et tentait vainement de lui échapper. Ca, c’était dans les prémices. Je crois que par la suite, et je ne sais pour quelles raisons, je me suis accoutumée à ce goût fade dont elle imprègne l’existence et j’ai commencé a tolérer sa compagnie. J’ai accepté cette lumière blafarde dont elle pare le jour en filtrant la brillance du soleil et j’ai goûté la saveur insipide qu’elle substitue au sel de la vie. C’est une grossière erreur, je sais. Il ne faut pas se laisser engloutir par les sables mouvants de la routine, auquel cas elle nous dévore sans hésitation. Mais dans cet abîme qu’elle creuse pour nous, toute esquisse d’un geste salvateur semble nous enfoncer davantage. A moins que… A moins qu’on ne réalise qu’il s’agit en fait d’une fosse qui se creuse sous nos pieds et que chaque levé du jour est une pelletée de sable jetée sur notre tête. L’ensevelissement s’annonce proche et les plus téméraires en ouvrant les yeux préfèreront flirter avec la faucheuse plutôt que de se laisser dévorer par l’usure. J’ouvre les yeux et je découvre qu’il est possible d’en avoir marre de ce vide envahissant, de ce manque qui oppresse. Je sens que ce cœur qui bat dans ma poitrine a soif de rythmer ma vie comme le tambour marque la cadence avec dynamisme. Je sens qu’il me démange de tirer le voile opaque qui me cache le jaillissement de la lumière. Je sens que je nage hors des flots de sables bruns pour rejoindre les eaux tropicales aux ondées acidulées. Je sens enfin qu’une nouvelle rupture est à l’horizon. Oui, je le reconnais, routine je ne veux plus de toi.
- Essie Kelly - 