Elle aurait été la femme la plus haïe de France. Et pourtant je n’en avais jamais entendu parler. C’est en écoutant un podcast de France culture que j’ai brièvement appris son histoire, retracée de façon bien plus précise dans le livre « la petite femelle » de Philippe Jaenada.
Ni une ni deux, dès que je suis allée à la Fnac j’ai cherché ce livre. Un beau pavé de 723 pages que j’ai pourtant dévoré d’une traite. Ingurgiter autant de mots peut faire craindre une indigestion, mais je ne me suis jamais aussi bien portée.
Il faut dire que j’adore les faits divers et parler d’un crime passionnel c’est déjà me tenir en haleine. Je m’attendais, comme je l’avais entendu donc, à lire l’histoire pathétique d’une jeune femme de 23 ans qui, après avoir menacé de se suicider si son amant ne reconnaissait pas l’aimer, l’avait abattu d’un coup de feu. Ça aurait été simple et vite expédié. Aussi facile que de lire la rubrique des faits divers d’Ivoire soir, si vous voyez ce que je veux dire.
Au lieu de cela, j’ai plongé dans la vie de Pauline Dubuisson, une belle jeune femme dont le récit de l’existence complexe m’a permis de mieux appréhender son geste. On dit souvent « regardes d’où tu viens si tu veux savoir où tu vas». Si la pauvre héroïne a un seul instant regardé en arrière en se demandant ce que le destin lui réservait, elle n’a dû voir qu’un épais brouillard menaçant.
La pensée du suicide a été quasi omniprésente dans sa vie. Son père lui inculque dès son plus âgé que « le suicide est une chose simple, convenable et permise ». Il lui donne des ouvrages de Nietzsche notamment Ainsi parlait Zarathoustra et Pauline comprend immédiatement que, comme le suggère l’auteur, il est plus appréciable de mourir quand on ne peut plus progresser que de continuer son existence… A même pas 10 ans lire ce genre de chose doit marquer.
Elle mène en grandissant une vie que beaucoup qualifieront de dissolue. A 13 ans, elle fréquente pendant l’occupation allemande de nombreux officiers. Entre une mère absente et un père peu regardant sur les activités de sa fille, elle se perd dans les draps d’un homme bien plus âgé qu’elle dans une indifférence totale.
Cependant intelligente et disciplinée, les aventures de Pauline ne l’empêche pas de faire des études brillantes et de décider de devenir médecin. Dépressive à ses heures perdues, elle s’inscrit tout de même en école de médecine à Lille où elle rencontre Félix Bailly, un brillant étudiant comme elle dont elle va tomber amoureuse.
Que s’est-il passé pour qu’en 1951 elle monte à Paris et assassine celui qui fut son petit-ami ? Si Pauline Dubuisson s’évertue à expliquer que c’est un accident et qu’elle voulait se suicider et ne pas lui causer de heurts, certains détails sèment pourtant le doute.
Au début de son procès davantage mené à charge qu’à décharge, l’opinion publique est convaincue que c’est un assassinat. Le vocabulaire pour la définir est très fleuri, on la décrie notamment comme une hyène, une jeune femme froide et calculatrice.
Cependant, l’auteur, Philippe Jaenada, décide de ne pas suivre cet avis et rétablit grâce à de nombreuses recherches les vérités qui ont été tues, mais aussi les témoignages qui ont été détournés pendant le procès pour davantage acculer l’accusée.
Ce roman est passionnant. La vie de Pauline Dubuisson est passionnante qu’il s’agisse de ses jeunes années ou de son existence après son incarcération à la prison de la Petite Roquette. Elle fait preuve malgré ses tendances suicidaires qui sont plus ou moins présentes selon les périodes de sa vie, d’une force et d’une ténacité incroyable.
Les portraits croisés d’autres femmes traduites devant la justice à la même époque pour des crimes commis sur leurs conjoints et/ou amants est aussi passionnant. J’ai aimé les digressions de l’auteur autant que l’histoire elle-même et c’est pourquoi je recommande vivement ce livre.