L’engrenage de l’exploitation

population-ivoirienneCe matin je suis tombée sur un post dans lequel une dame demandait qu’on lui recommande une employée de maison à temps plein pour 30.000 francs CFA par mois.

De nombreuses personnes ont été choquées par sa demande et n’ont pas hésité à la traiter d’esclavagiste et à lui reprocher le fait d’exploiter quelqu’un, en plus d’enfreindre la loi : le Smic est quand même à 60.000 francs CFA en Côte d’Ivoire…

D’autres personnes l’ont défendu. Certains arguments étaient hélas médiocres: invoquant la liberté d’exploitation d’un tiers (parfois on tombe bien bas) et d’autres ont soulevé le fait que parfois l’employeur lui-même n’a qu’un très faible revenu et ne peut pas offrir plus.

Nous vivons dans un pays où la situation économique est difficile pour de nombreux foyers, mais je me suis tout de même demandée si ça devait nous ôter toute compassion et toute notion de réalité. 30.000 francs pour travailler 7 jours sur 7 est un salaire indéniablement bas.

À l’heure où un grand nombre de citoyens regrette le fort taux de chômage et la faiblesse des salaires ne devrions-nous pas donner le modèle au sein de nos propres foyers?

J’ai constaté d’avantages de commentaires acerbes envers ceux qui reprochaient cette exploitation qu’envers celles qui justifiaient des salaires de misère…

Et puis, deux visions se sont opposées :

  • celle des personnes qui estimaient que si les moyens des employeurs ne leur permettaient pas de payer un salaire décent, ils devaient solliciter un employé pour un nombre d’heures réduit.

  • Celle des personnes qui estimaient que les choses étaient ainsi et qu’au final l’employé y trouvait son compte.

C’est devenu tellement normal de payer au lance-pierre que s’insurger contre cela créer une polémique et attirent les injures.

C’est regrettable. Il y aura toujours des personnes nécessiteuses qui accepteront des conditions limites pour essayer de s’en sortir et il y aura toujours des personnes pour justifier des salaires misérables en sachant au fond d’eux (s’ils sont honnêtes) qu’ils ne pourraient accepter cela à leur tour.

Mais est-on réellement un monstre en employant une personne pour un salaire qui ne peut que la maintenir dans un état de précarité ?

Bien des hommes et des femmes en Côte d’Ivoire travaillent durement sans toucher un salaire adéquat. C’est alors un engrenage dans lequel on s’inscrit.

On a de l’éthique, on souhaiterait pouvoir respecter son employé et le payer décemment mais cela apparaît très complexe quand on est soit même payé largement en dessous du salaire approprié.

Je m’abstiens toujours de juger car les raisons qui nous poussent à poser un acte sont diverses et on ne connaît pas les choix auxquels sont confrontés les autres.

S’empresser à condamner son semblable est une erreur que nous ne devons pas commettre.

Pour autant en lisant ce poste me suis demandée si la recherche de notre propre confort ne permettait pas à ces inégalités de prospérer.

Engager une personne pour quelques heures n’est pas encore inscrit dans nos mentalités.

Quand nous rentrons à la maison nous aimons mettre les pieds sous la table et que tout soit prêt. Nous ne prenons pas le temps de faire les choses nous-mêmes. Du moins, nous faisons le minimum.

Nous devenons obnubilés par le profit, par la recherche du moindre coût et cela a des conséquences sociales.

Il y a aussi le discret effacement de l’humanité et de la compassion. Cette petite voix au fond de nous qui nous amène à tolérer même quand on ne comprend pas.


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