Récit autobiographique de Ken Bugul qui m’a tour à tour interrogée, surprise et même parfois choquée. Prise dans le tourbillon d’un pan de sa vie qu’elle offre sans retenue, Ken nous fait découvrir la solitude d’un enfant qui grandit sans sa mère, l’ampleur de l’angoisse qui l’accompagne à une période de sa vie où elle se sent désabusée et sans repères. L’histoire est un tourbillon fou qui emmène le lecteur à suivre une vie dissolue qu’elle livre au monde. Élève brillante partie de son pays natal, le Sénégal, pour faire des études en Belgique, Ken fait la rencontre d’une culture européenne qui la fascine mais qu’elle peine à cerner et à intégrer. Tiraillée entre un sentiment d’assimilation qui la pousse à adopter certains codes européens et un sentiment de revendication de sa propre culture, elle se perd dans une démarche qu’elle ne cerne plus elle même. Dans le regard de l’autre, l’Européen, elle est l’Africaine qui réveille ses fantasmes coloniaux, sexuels ou qui exacerbent ses penchants racistes et le pousse au rejet.
La vie de Ken Bugul perturbée entre tradition et modernité n’est pas simple. Elle brise tous les codes et toutes les conventions auxquels les femmes auprès desquelles elle a grandi répondent et respectent. Le Baobab fou est l’histoire d’une femme libérée qui se cherche et se découvre au gré des rencontres qu’elle fait, qui vont la bouleverser, l’effriter sans lui laisser aucun répit. La recherche de soi dans un pays lointain et froid tandis que son âme réclame la chaleur du Ndoukouman, sa région natale. Le parcours d’une femme qui se forge elle-même par le biais des expériences sans se laisser influencer par une éducation faite de préceptes affirmant une soumission aveugle à l’homme et une certaine réserve. Ken a soif d’aventure et elle la cherche dans ses aventures avec des partenaires de tous sexes, dans les vapeurs de l’alcool, dans les étourdissements de la drogue.
Le baobab fou est une histoire poignante du fait de la sincérité de son auteur. Son malaise dû au fait de ne pas se sentir à sa place malgré de nombreux efforts est communicatif. La perte de repères, la difficulté de s’intégrer au sein d’une famille trop nombreuse où les liens affectifs peinent à s’établirent, la douleur de l’éloignement de la mère…tant de choses qui grèvent un destin.
À la fin de l’ouvrage on peut se demander qui est le baobab ? Symbolise t-il l’auteur qui tel cet arbre est au début de l’histoire forte et rayonnante, emplie de rêves foisonnants comme son feuillage? Si l’on se réfère à l’état de l’arbre à la fin de l’ouvrage, il est possible de répondre affirmativement car les épreuves qu’elle a traversées semblent ne pas l’avoir laissé indemne. Le baobab fou est-il la métaphore d’un instant de vie extravagant, libéré que partage avec nous Ken Bugul ?